vendredi 26 mai 2017

Génération retrouvée

Par Josée Boudreau

Je suis née à la fin des années soixante, il semble que je sois de la génération X, j'ai aussi entendu la génération perdue. Il  est vrai que lorsque tu es coincée entre la "ME  Generation" et la "Generation ME", cela restreint les horizons.

La "ME Generation" est le concept utilisé par Tom Wolf dans "The ME Decade" qui dépeint le baby-boomer (1946-1964) comme ayant révolutionné les années soixante-dix sur le plan de l'identité individuelle : sois toi-même. Il a été de la révolution sexuelle, du militantisme contre la guerre, de la lutte des Afro-américains... C'est le travailleur qui choisit son emploi et y demeure jusqu'à la retraite. 

Alors que la "Generation ME", est attribuable à la chercheuse Jean M. Twenge qui qualifie le Millennial (1981-2000), de narcissique et de génération égocentrique. Une génération qui met à l'avant ses intérêts et qui n'hésite pas à quitter son emploi pour un projet personnel, qui par choix devient travailleur autonome. Il oblige l'employeur à revoir sa façon de diriger. La société des loisirs annoncée par les boomers, c'est eux qui en profite.

Pour en revenir à la génération X (1965-1980), on l'appelle également la "Génération Prince Charles" parce que tout comme le pauvre homme, notre génération n'a pas réussi à être au bon endroit, au bon moment.

À notre arrivée sur le marché du travail, à la fin des années quatre-vingt, les baby-boomers occupaient déjà les bons emplois et comme nous vivions la pire crise économique depuis les années vingt, nous avons pris ce qui restait sans se demander si c'était un emploi passion. Nous nous sommes bouché le nez et avons accepté les clauses grands-pères négociées par nos syndicats. Si nous avions la chance de devenir fonctionnaire, c'était des emplois temporaires que l'on nous offrait, l'état-providence montrait des signes d'essoufflement.

Puisque nous n'arrivions pas à augmenter la partie professionnelle de notre curriculum vitae, plusieurs d'entre nous avons misé sur la partie académique en accédant à des études supérieures, incluant les dettes d'études qui viennent avec.

Nous avons travaillé dur pour acheter nos premières propriétés en banlieue dans un marché immobilier stagnant. Nous avons payé  30$ par jour pour envoyer nos enfants à la garderie. Nos congés de maternité, payés à 55% de nos salaires duraient 6 mois et les pères prenaient sur leurs vacances annuelles pour aider leurs femmes à apprendre leur nouveau rôle de mère. 

Avouez que de ce point de vue, tout comme le Prince de Galles, cela faisait de nous des envieux et des mal-aimés!

Je lisais la semaine dernière l'interrogation de Louise Leduc, blogueuse de la Presse, (L'Avenir est long,18 mai 2017): "Faut-il éviter les dépenses trop frivoles et privilégier la constitution d'un magot pour nos enfants?"

Le peu d'argent que l'on a fini par ramasser devrait servir de mise de fonds pour la première propriété de nos enfants? Ces mêmes enfants qui ont pris un temps fou à quitter la maison. Qui ont prolongé indûment leurs études. Qui ont pris des congés sabbatiques pour découvrir le monde. Qui sont parties étudier à l'étranger aux frais de papa et maman.

Ce n'est pas sérieux?

Mais les choses pourraient changer, les X, bien que petits en nombre, constitueront le tiers des électeurs en 2018 selon François Gélineau dans l'État du Québec 2015 . Nous aurons entre 38 et 53 ans, ce qui fera de nous la majorité des candidats aux élections, de quoi nous donner un certain pouvoir.

Nous avons été témoins de plusieurs ratés : l'éclatement des familles, le sida, les coupures gouvernementales, les morts de soldats canadiens.  Nous nous sommes adaptés aux nouvelles technologies et notre âge mitoyen nous rend moins sensibles aux services publics et aux inégalités sociales.

Cette conjoncture explique peut-être la montée de la droite ou même le récent sondage Mainstreet Research publié le 17 mai pour le compte du Montreal Gazette ou celui de Léger/Journal de Montréal/Le Devoir du 20 mai. 

Nous avons passé sous le radar de l'état-providence, et du parcours professionnel facile et maintenant que les choses vont enfin bien économiquement pour nous il faudrait passer au suivant?


jeudi 18 mai 2017

Le ciel de Montréal s’enflamme

Par Josée Boudreau

J’ai de la chance, mon bureau a une fenêtre qui donne sur le Mont-Royal. Au fils des saisons, je le vois se transformer et changer de couleur comme un caméléon. Aujourd’hui, en regardant les gens se promener nonchalamment sur la rue Rachel avec des vêtements plus légers, j’ai enfin l’impression que le beau temps tourne le dos aux pluies abondantes de ce printemps 2017.

Tout est mis en place pour célébrer Montréal.  Je quitte le bureau un peu avant 16h, traverse le pont Jacques-Cartier pour souper chez  ma mère et faire amende honorable pour avoir été absente dimanche.  Nous parlons du pont qui sera illuminé en soirée et elle décide de se joindre à la célébration. Nous passons par la maison chercher mon amoureux et nous retrouvons ma fille au métro Longueuil. C’est déjà la fête parce que nous somme ensemble.

Le vent est doux et chaud. Nous nous installons sur le gazon près de la 132 et cela me rappelle mes premiers feux d’artifice alors que nous n’avions pas encore tout vu, et que tout était merveilleux. Il y a une petite brise de Marie-Jeanne pour accentuer la nostalgie. Nous sommes attentifs, attendant que le géant qui enjambe le fleuve change de costume.

Plus que 30 minutes. Quelques retardataires un peu effrontés stationnent leur voiture juste devant nous, pourtant il y a une belle affiche qui indique une interdiction d’arrêter.  Notre voisine de gazon bien installée avec ses jeunes enfants en pyjama chiale un peu de s’être fait boucher la vue. L’automobiliste qui entre-temps est sortie avec ses deux gros chiens nous envoie un «  Je m’en fous je payerai le ticket ». La file de voitures s’allonge pourtant nous nous sommes garés quelques minutes plus tôt dans le stationnement municipal où les places libres étaient encore nombreuses. Il y a toujours des opportunistes. Mais cela ne dure pas longtemps parce que les policiers de Longueuil arrivent avec leurs gyrophares et obligent tout le monde à circuler. La femme aux chiens revient et tente de négocier avec l’agent de la paix qui rédige un constat d’infraction.  Il y a de l’action sur notre petite bute verte et c’est sans compter les policiers à moto qui délogent d’autres automobilistes qui s’attardent sur l’accotement de la 132 pensant s’être trouver un point de vue de rêve.

21h45, le spectacle débute au son de la musique.  Le pont s’enflamme : bleu, rouge, jaune, il scintille et nous faisons des Oh! Et des Ah! Moment Factory est à la hauteur de sa réputation. Et pour ajouter à l’effervescence, le ciel explose sous d’inattendus feux d’artifice. Nous sommes tous là, des centaines de personnes, les yeux levés au ciel dans la joie. Les cellulaires dans les airs tout le monde s’improvise photographe. Montréal vient de se faire quelques nouvelles cartes postales, peut-être même que ces photos surpasseront en cliques celles plus comiques de l’autobus qui glisse dans la côte du Beaver Hall.  Je regarde les miens, nous rions et c’est un moment de bonheur que l’on ajoute au livre de nos souvenirs communs.


Il y a deux façons de voir la vie : on peut voir le bon côté ou le mauvais côté des choses.  Lorsque j’entends certains échos s’élever contre les fêtes du 375e anniversaire de ma ville, j’ai l’impression qu’ils ont choisi leur camp.  Il est vrai que les fonds publics impliqués sont importants mais rendus là, pourquoi bouder son plaisir?


Ce texte a également été publié sur le Huffington Post
Le ciel de Montréal s'enflamme