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samedi 23 mai 2015

L'observateur du troisième - Chapitre 11 : L'histoire d'Esther McNicoll-Mayrand

Par Louise

Des fleurs ... encore des fleurs ! 

- Anna! Dis-moi, d'où vient cette odeur de fleur?
- Depuis quelques jours, on dirait que le salon est transformé en jardin fleuri.

Anna hésite à répondre franchement. Ces fleurs remises par le fleuriste du quartier depuis quelques jours, l'inquiètent. Elle sait très bien qui est à la source de cette offrande. Cet homme observateur l'intrigue.

Il y a toujours la même inscription sur le carton qui accompagne le bouquet : ''Je vous aime depuis que j'ai entendu votre si belle musique et qui ne cesse d'envahir mes songes! ''

Comment pourrais-je lui expliquer que chaque jour je dépose un bouquet ici et là sans lui mentionner? J'aurais dû prévoir qu'Esther pourrait reconnaître l'odeur des fleurs. Elle est si sensible à tout ce qui l'entoure, surtout que maintenant la cécité l'oblige à être à l'affût de toutes formes de changements dans son environnement. Il suffit d'une seule modification pour altérer ses repérages qui sont tellement nécessaires à lui procurer son autonomie.

Je ne me résigne pas à lui mentionner qu'un inconnu semble lui prêter une attention particulière. Elle a tellement souffert ces dernières années. Sa maladie qui a balayé d'un revers tout ce qui lui procurait un sens dans sa vie, comme un fouet! Il a fallu qu'elle reprenne goût à la vie à partir de nouveau but, nouveau défi. Chaque jour lui demande d'accepter son nouvel état. Son travail incessant me semble suffisant! En plus, il faudrait ajouter une nouvelle aventure amoureuse! Non! Non! …

Qui est-il d'abord? Quelles sont ses intentions réelles? Il ne sait rien à propos d'Esther. Moi, je la connais bien et je sais qu'elle pourrait en souffrir.

En plus, elle déteste les roses rouges depuis que Clément l'a quitté ! …

Et bien ... je pourrais simplement lui dire qu'il s'agit d'un bouquet de lys blancs.

Mais, pourra-t-elle reconnaître l'odeur distinct des fleurs?






mercredi 13 mai 2015

L'observateur du troisième - Chapitre 9: L'histoire d'Esther McNicoll-Mayrand

Par Louise

Rencontre avec l'inconnu du jardin

Elle sent un léger frisson parcourir sa nuque. Depuis sa cécité, ses autres sens sont toujours à l'affut. Seule bien assise sur le tabouret du piano, elle joue une mélodie qui lui rappelle sa jeunesse. Cette jeunesse qui, jour après jour, lui semble de plus en plus lointaine. Heureusement, les gammes sont encore vivantes et ce moment exaltant lui permet de se réconcilier avec cette période de sagesse qui parfois, fauche l'espoir.

Esther a toujours eu du talent pour la musique. Toute petite, son père l'invitait à le rejoindre sur le tabouret pour lui enseigner la musique. Son instrument préféré était le piano parce que c'était celui de Beethoven. Et Bach aussi, surtout depuis le jour où Esther pu jouer ses partitions. Elle était merveilleuse Esther lorsque ses doigts frôlaient les petits bâtons noirs et blancs qui créaient le son unique. Dans ces moments-là, on pouvait sentir la douceur qui émanait de sa personnalité.

D'où provient ce frisson ...

Inquiète, elle guette cette impression qui ne l'a quitte plus. C'est sans doute l'effet de la musique. Clément avait l'habitude de s'installer tout près d'elle lorsqu'elle jouait. Il lui disait qu'il ne pouvait m'empêcher de la regarder. Pour lui, ce moment était inestimable tellement le besoin de la prendre dans ses bras devenait pressant. Elle aussi avait l'impression qu'une fusion était obsédante et nécessaire. L'accomplissement de leur amour provenant de la passion pour la musique, Clément et Esther ne pouvait faire autrement que de souhaiter que cet instant dure éternellement. Mais la vie a proposé un autre scénario. L'éternel a été relégué dans les souvenirs. Il y a plusieurs années déjà que Clément n'est plus près d'Esther. Ce soir-là, ce frisson pourrait peut-être faire partie de ces souvenirs, de ce sentiment qu'elle chérit lorsque la sonate de Bach pénètre tous les pores de sa peau.

Sa vieille nanny, Anna approche doucement, d'un pas silencieux. Esther sait reconnaître le pas singulier d'Anna et elle se questionne sur la raison de sa présence subite. Sachant que c'est un moment privilégié pour Esther, Anna préfère la laisser seule. Peut-être, c'est ce frisson, trop perceptible, qui l'amène vers Esther. Ce qu'ignore Esther sait qu'Anna a entendu un bruit suspect provenant du jardin.

Anna se trouve maintenant derrière d'Esther. Elle lève ses yeux au-dessus du pupitre du piano recouvert du cahier de notes où se trouve un miroir. Ce miroir que Clément a offert à Esther, le jour de leurs fiançailles. Elle n'a jamais eu le courage de l'offrir aux enfants. Il est trop magnifique. Sa parure en forme de dentelle embellit tout regard qui s'observe. Un miroir c'est comme le reflet de l'âme. Même après ce jour où Clément l'a quitté, elle put contempler ce visage tant aimé. Que ferait-elle sans l'âme de Clément? Surtout que maintenant, elle doit utiliser son imagination, le renfort nécessaire en raison de son aveuglement.

Le miroir indique qu'il y a quelqu'un qui se cache dans le jardin, derrière la rangée des arbustes et qui l'observe. La lune facilite son observation et Anna reconnaît un homme qui lui semble familier. C'est bien lui, cet homme aperçu hier à la pharmacie. Il est facile à repérer, car il porte encore le même chapeau de feutre, bien calé sur sa tête et qui lui procure un certain anonymat. Difficile d'oublier aussi, tant que son impatience au comptoir des prescriptions était palpable. Très à l'aise ce monsieur et même un peu effronté, se rappelle Anna. Et de murmurer, la preuve, il se trouve dans le jardin à cet instant même.


Tout en continuant à écouter cette mélodie si appréciée par Esther, elle se demande comment elle peut agir dans cette situation. Doit-elle informer la police, le rejoindre dans le jardin pour lui demander une explication, que faire ? Elle décide de l'ignorer. Il n'a pas l'air trop dangereux pour l'instant ! On verra bien... ! 




dimanche 26 avril 2015

L'observateur du troisième - Chapitre 3: L'histoire d'Esther McNicoll-Mayrand

Par Josée

Esther McNicoll Mayrand était une femme remarquable. Elle s’habillait de vêtements classiques et portait des fragrances délicates. Sa chevelure abondante était docilement coiffée en de complexes chignons. Sa silhouette agréable ne révélait pas qu’elle avait plus que débuté la cinquantaine. La vie avait été douce, elle avait profité d’une rente familiale dès son entrée dans la vie adulte. Elle vivait depuis longtemps dans une grande maison du boulevard Pie-IX. Elle s’était entourée au cours des ans d’un mobilier coquet et confortable. Ses murs regorgeaient de sa passion pour la peinture moderne et colorée.  Les choses n’avaient pourtant pas toujours été comme ça. Il fut un temps où la mer était agitée et où le ciel s’était assombri. Mais c’était il y a longtemps. À cette époque, elle avait la jeune vingtaine et portait les cheveux au vent. C’était l’époque des Bee Gee et de Travolta. Elle étudiait l’histoire de l’art et profitait des moindres congés pour voyager. Elle s’était installée à New York pour l’été, profitant d’un pied à terre qu’avait sa famille dans le West Side. Elle adorait ce quartier situé entre la rivière Hudson et Central Park. Après une petite marche, elle se retrouvait dans ses musées préférés, le Museum of Modern Arts et le Guggenheim. Elle aimait également fréquenter les galeries d’arts qui étaient si nombreuses dans Greenwich village. 

Les symptômes de son mal étaient apparus à la pénombre, de façon insidieuse, même si les choses semblaient encore intactes à la lumière du jour. Elle dû cependant accepter la détérioration de sa vision et rentrer à Montréal. Le retour avait été sombre, surtout après que le diagnostic d’une cécité permanente et à court terme fut tombé. Comment était-ce possible pour une amoureuse d’arts comme elle? Elle gaspilla un mois dans sa chambre, dans la maison familiale de Westmount, puis un matin sans aviser personne elle partit avec une petite valise affronter les ombres de sa vie. Elle traversa Montréal d’Ouest en Est et s'installa dans un petit appartement d’Hochelaga. À partir de cet instant, elle passa le plus clair de son temps dans les galeries d’arts et acheta des reproductions de toiles très colorées qu’elle voyait de moins en moins. Elle en garnit tous les murs de son petit appartement. Et puis finalement, après un clignement des yeux, elle entra définitivement dans les ténèbres. 

Cet exil, dans sa propre ville, marquait la transition dans sa nouvelle vie.  Elle pansait ses blessures comme un chien qui lèche ses plaies, à l’abri des regards. Elle cherchait à apaiser sa colère en imaginant des explications à son entrée prématurée en enfer, à l'ombre de l'église voisine, qui faisait résonner sa cloche.  Devait-elle expurgé elle-même les fautes de sa famille riche? La solitude qu'elle s'était imposée l'obligea à accélérer sa quête vers l'autonomie.  "C'est pas parce que l'on perd la vue que l'on perd la vie." Après la période dépressive des premiers mois elle se mit à la recherche de nombreux outils qui purent lui faciliter la vie: se déplacer à l'aide d'une canne blanche, apprendre le braille, prendre l’habitude d'utiliser un dictaphone pour noter les petites choses de la vie. 

Depuis son départ de Westmount, elle n'avait donné aucune nouvelle à sa famille. Son père avait tout de même fini par la retrouver. C'était la première fois qu'il pénétrait l'est de la Main. Il souhaitait plus que tout la convaincre de rentrer à la maison. Lorsqu'il monta au deuxième étage de l'immeuble défraîchi,  elle lui ouvrit la porte et  il n'y trouva pas la jeune femme démunit qu'il avait imaginé.  Elle l'invita à la suivre au salon. Il ouvrit la petite lampe située près de son fauteuil et découvrit les reproductions colorées de Jean-Paul Riopelle, de Paul-Émile  Borduas, Jean-Paul Mousseau. "Je ne veux pas rentrée à la maison, j'ai besoin de me retrouver dans cette nouvelle vie", elle était menue mais déterminée. Il ne pouvait se résoudre à risquer de la perdre à nouveau. Alors il fit intervenir son agent immobilier et lui acheta un grand cottage sur la boulevard Pie IX. Dans chacune des pièces, il fit installer des originaux colorés des reproductions qu'elle possédait.  "Les grands parapluies de Théberge" trônait dans un salon qu'elle ne verrait jamais. Il avait également fait installer un grand piano à queue espérant qu'elle transfert sa passion des arts visuels pour la musique.  Et pour s'assurer qu'elle ne manque de rien, il demanda à sa vieille nanny anglaise de venir prendre soin d'elle. 

La vie repris doucement son cours, comme la nature après les grands incendies.  Elle trouva petit à petit un réconfort dans la musique, ce fut même la musique qui la conduisit à l'amour. Son professeur de piano la trouvant particulièrement douée, l'avait présenté à un violoncelliste. L'harmonie qui les unissait s'étendit bientôt à leur vie personnelle. Les sonates classiques se mirent à côtoyer la marche nuptiale. C'est de cette façon qu'Esther McNicoll de Westmount devint Esther McNicoll Mayrand de Hochelaga. 

 "Les mouettes" de Riopelle