mercredi 26 avril 2017

L'invisibilité de la quinquagénaire

Par Josée Boudreau

L’écriture comme une façon de respirer. Une écriture qui se forme d’abord dans ma tête comme un petit livre d’histoire que j’attrape au hasard dans une librairie. Une vie quasi schizophrénique avec une petite voix dans la tête qui invente et cherche le bon récit. L’écriture à la fois vitale et douloureuse parce qu’elle n’a pas la place qu’elle mérite. Au crépuscule de mes quarante ans, je me sens encore imposteur avec la plume. Pourtant en 2015, sur mon modeste blogue j’ai publié plus de 170 billets,  presqu'un jour sur deux et avec plus de 20 000 vues, j’ai dû intéresser, outre ma famille quelques inconnus! Je sais bien qu’à une époque où la vie s’apprécie au nombre de « Like » c’est bien peu mais  je ne demande pas la popularité des blogueurs vedettes. 

Josée a quoi rêves-tu? Je rêve d’écrire sans contrainte, de faire l’amour avec les mots, de les aligner sur ma page numérique et d’être en accord avec leur son. Que peut-on raconter à l’ombre des deux ponts Champlain? Comme si ma sortie de l’île m’enlevait le droit d’avoir des choses à dire.  Il est vrai que j’ai maintenant atteint l’âge de l’invisibilité.  Je ne suis plus une mère de famille, ma fille a 20 ans et n’habite plus à la maison. Je n’ai plus d’histoires coquines de femme mûre célibataire depuis que j’ai rencontré le prince charmant aux cheveux gris et j’ai l’impression que mon bonheur pu au nez de certaines.  Pendant des années je me suis étourdie en assistant à tous les événements artistiques underground de la métropole, en plus de me donner un petit côté « cool » cela me permettait de fuir ma vie plate. 

 J’approche cinquante ans et comme une adolescente je sens mes hormones bouillir, cette fois ce n’est pas le réveille de mes ovules mais bien leur fin imminente. Je rentre chez moi après le travail et je n’ai plus besoin de ressortir, j’y suis bien. Toute ma vie j’ai appartenu à la génération oubliée, celle qui suivait les gourmands baby-boomers. À l’aube de la cinquantaine, je disparais du regard des hommes. Je suis devenue celle à qui on ne s’adresse plus qu’à la deuxième personne du pluriel. 

Le chiffre 50 fait peur parce qu’il affirme qu’il y en a assurément plus de fait qu’il en reste à faire. Certaines d’entre nous se déguisent en la jeune femme qu'elles ne sont plus ou d'autres baissent les bras et vieillissent prématurément. Chaque nouvelle dizaine fait peur et je l'avoue à chaque fois c'est de plus en plus effrayant pour moi. Pourtant paradoxalement j'ai jamais été aussi heureuse. 

 Suis-je la seule?


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