mercredi 13 mai 2015

L'observateur du troisième - Chapitre 9: L'histoire d'Esther McNicoll-Mayrand

Par Louise

Rencontre avec l'inconnu du jardin

Elle sent un léger frisson parcourir sa nuque. Depuis sa cécité, ses autres sens sont toujours à l'affut. Seule bien assise sur le tabouret du piano, elle joue une mélodie qui lui rappelle sa jeunesse. Cette jeunesse qui, jour après jour, lui semble de plus en plus lointaine. Heureusement, les gammes sont encore vivantes et ce moment exaltant lui permet de se réconcilier avec cette période de sagesse qui parfois, fauche l'espoir.

Esther a toujours eu du talent pour la musique. Toute petite, son père l'invitait à le rejoindre sur le tabouret pour lui enseigner la musique. Son instrument préféré était le piano parce que c'était celui de Beethoven. Et Bach aussi, surtout depuis le jour où Esther pu jouer ses partitions. Elle était merveilleuse Esther lorsque ses doigts frôlaient les petits bâtons noirs et blancs qui créaient le son unique. Dans ces moments-là, on pouvait sentir la douceur qui émanait de sa personnalité.

D'où provient ce frisson ...

Inquiète, elle guette cette impression qui ne l'a quitte plus. C'est sans doute l'effet de la musique. Clément avait l'habitude de s'installer tout près d'elle lorsqu'elle jouait. Il lui disait qu'il ne pouvait m'empêcher de la regarder. Pour lui, ce moment était inestimable tellement le besoin de la prendre dans ses bras devenait pressant. Elle aussi avait l'impression qu'une fusion était obsédante et nécessaire. L'accomplissement de leur amour provenant de la passion pour la musique, Clément et Esther ne pouvait faire autrement que de souhaiter que cet instant dure éternellement. Mais la vie a proposé un autre scénario. L'éternel a été relégué dans les souvenirs. Il y a plusieurs années déjà que Clément n'est plus près d'Esther. Ce soir-là, ce frisson pourrait peut-être faire partie de ces souvenirs, de ce sentiment qu'elle chérit lorsque la sonate de Bach pénètre tous les pores de sa peau.

Sa vieille nanny, Anna approche doucement, d'un pas silencieux. Esther sait reconnaître le pas singulier d'Anna et elle se questionne sur la raison de sa présence subite. Sachant que c'est un moment privilégié pour Esther, Anna préfère la laisser seule. Peut-être, c'est ce frisson, trop perceptible, qui l'amène vers Esther. Ce qu'ignore Esther sait qu'Anna a entendu un bruit suspect provenant du jardin.

Anna se trouve maintenant derrière d'Esther. Elle lève ses yeux au-dessus du pupitre du piano recouvert du cahier de notes où se trouve un miroir. Ce miroir que Clément a offert à Esther, le jour de leurs fiançailles. Elle n'a jamais eu le courage de l'offrir aux enfants. Il est trop magnifique. Sa parure en forme de dentelle embellit tout regard qui s'observe. Un miroir c'est comme le reflet de l'âme. Même après ce jour où Clément l'a quitté, elle put contempler ce visage tant aimé. Que ferait-elle sans l'âme de Clément? Surtout que maintenant, elle doit utiliser son imagination, le renfort nécessaire en raison de son aveuglement.

Le miroir indique qu'il y a quelqu'un qui se cache dans le jardin, derrière la rangée des arbustes et qui l'observe. La lune facilite son observation et Anna reconnaît un homme qui lui semble familier. C'est bien lui, cet homme aperçu hier à la pharmacie. Il est facile à repérer, car il porte encore le même chapeau de feutre, bien calé sur sa tête et qui lui procure un certain anonymat. Difficile d'oublier aussi, tant que son impatience au comptoir des prescriptions était palpable. Très à l'aise ce monsieur et même un peu effronté, se rappelle Anna. Et de murmurer, la preuve, il se trouve dans le jardin à cet instant même.


Tout en continuant à écouter cette mélodie si appréciée par Esther, elle se demande comment elle peut agir dans cette situation. Doit-elle informer la police, le rejoindre dans le jardin pour lui demander une explication, que faire ? Elle décide de l'ignorer. Il n'a pas l'air trop dangereux pour l'instant ! On verra bien... ! 




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