vendredi 6 mars 2015

Déracinement ou exil

Par Josée

Être natif des régions éloignées implique qu'un jour ou l'autre l'idée du déracinement soit évoquée. Mon père a été confronté à la chose alors qu'il était tout jeune. À l'époque, lorsqu'un étudiant masculin démontrait des aptitudes académiques hors du commun, les communautés religieuses tentaient de le convaincre qu'il avait LA vocation. Mon père aura eu la chance d'avoir mon grand-père qui refusa d'offrir son deuxième fils au dicta catholique en payant lui-même les frais de scolarité. C'était je l'imagine, une certaine pression d'assumer ce privilège et de devoir partir si jeune partir avec sa petite valise pour le pensionnat du Collège classique situé à Hauterive. En plus, de laisser ses parents, il se séparait de ses quatre frères et sœurs et de toute la communauté de Clarke-city. À l'époque, la route 138 ne se rendait pas à Sept-Iles et seule la voie maritime du Saint-Laurent permettait de se rendre à Hautrerive. Pour un jeune adolescent est-ce que ceci représentait l'aventure ou l'exil?

À mon tour à l'âge de 12 ans, j'ai quitté ma région, heureusement pour moi j'étais accompagné de mes parents et de ma sœur et comme ce changement de ville m'était présenté positivement j'éprouvais un certain enthousiasme.  De toute façon, il était clair que si je n'avais pas quitté à cet âge, j'aurais dû le faire seule à 19 ans pour poursuivre mes études universitaires. C'est le lot de beaucoup de jeunes étudiants. Cependant, le fait de partir avec toute ma famille rendait la chose plus définitive. Notre déménagement à Québec nous déracinait. Longtemps j'ai senti la nostalgie habiter mes parents, mon père après quelques coupes de vin pleurant au téléphone en entendant la voix d'une de ses sœurs. Nous qui avions beaucoup voyagé pendant mon enfance n'avions plus qu'une seule destination-vacances: Sept-Iles. Et puis, notre maison s'est transformée en Gite du passant, tant mes parents étaient heureux d'y accueillir la famille et les amis.

Je me souviens de ces retours au bercail les premières années.  Nous partions après le travail et arrivions au début de la nuit chez mes grands-parents, qui nous attendaient comme on attend l'enfant prodigue. Des invitations à déjeuner, dîner et souper; j'étais étourdie par cette ronde infernale. Moi qui entrais doucement dans l'adolescence, je cherchais désespéramment ma bulle. C'était difficile de définir son identité lorsque l'on n'est pas encore de Québec et plus vraiment de Sept-Iles.  Et nos départs accompagnés des larmes de cette famille bécoteuse et unies malgré les kilomètres qui nous séparaient.  

Il me semble que ce n'est qu'à notre arrivée à Montréal en 1985, que l'acceptation de ce déracinement s'est fait, après 5 ans et plus de 1000 km qui nous séparaient de nos racines.

Des racines c'est ancré profondément 

*Image tirée de la collection de Jeanne Pichette, artiste en art visuel


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1 commentaire:

Unknown a dit...

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