Par Josée
Premier texte de la série des personnages de l'observateur du troisième
C'est Eugénie, mon petit cochon rose. Elle est toute dodue avec des
taches de son et de longs cheveux roux ternes tirés vers l'arrière. Il
est à peine 9h00 et elle vient de recevoir sa première livraison du
dépanneur. À tous les jours c'est la même chose, beau temps, mauvais
temps, elle s'assoit sur une vieille banquette d'auto en cuir rouge et
blanc et elle mange. Elle grignote sans arrêt, sans ustensile,
directement avec ses doigts qu'elle lèche comme un chat.
Elle ne parle pas, à croire que depuis la mort de sa mère, il n'y a plus
personne à qui parler. La seule preuve que ses cordes vocales sont
encore en fonction est lorsqu'elle qu'elle commande par téléphone des
aliments gras qui viennent la sustenter. Elle a ses préférences: les
sacs de chips Ruffles ondulées, les crottes au fromage Chittos, la
poutine et les hot-dog du Snack au coin de la rue, la pizza molle aux
pepperonis et au fromage de chez Madonna Pizza et le poulet frit
Kentucky. Elle arrose le tout en avalant de grandes rasades de boissons
gazeuses, pour aider à digérer ces kilos de gras saturé. Des milliers de
calories ingurgitées qui se logent en superposition partout sur son
corps en une montagne gélatineuse.
Déjà dans son enfance elle était voluptueuse, sa mère l'habillait tout
de rose et lui faisait deux petites lulus attachées par des rubans
roses. Elle l'a reconduisait à l'école le matin, faisait l'aller-retour
pour le lunch et revenait la chercher le soir. Elles vivaient toutes
seules comme un couple.
- Qu'est-ce que tu mangerais pour dîner? Pour souper?
Et Eugénie en enfant difficile, ne demandait que des aliments gras et
réconfortants et sa mère acceptait. Cette fuite, l'aidait à oublier la
méchanceté avec laquelle les autres se moquaient d'elle. Derrière ses
grands yeux bleus délavés, elle souffrait en silence.
Puis à l'arrivée au secondaire la méchanceté se transforma en
indifférence et la douleur se fit encore plus intense. Un jour que sa
mère la raccompagna à l'école, elle entra par la porte de devant et
ressortit par la porte de derrière. Elle répéta la manœuvre pendant deux
moins sans que personne ne aperçue de son absence. Puis à la fin du
trimestre lorsque l'on imprima les bulletins, il n'y eut pas de notes à
inscrire et la rumeur circula qu'elle était déménagée, après tout
personne ne la connaissait. La fin d'année arriva sans que la rumeur ne
fût démentie.
À la fin août, avant que l'année suivante débute, elle s'inventa des
maux de ventre et de cœur et finit par convaincre sa mère que l'école
n'était pas pour elle. Sa mère n'insista pas et comme elle semblait
avoir disparu des dossiers scolaires personne ne vint réclamer son
retour en classe. Elle aida sa mère dans les travaux de couture et
s'enfouit peu à peu dans la solitude.
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